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LE ROMAN D’UN ENFANT

posée en couronne sur un piédestal garni d’une belle verdure de châtaigniers et de chênes.

Dès le jour de mon arrivée, j’avais aperçu cela du coin de l’œil, très étonné et attiré par ce vieux nid d’aigle, qui avait dû être tellement superbe, au sombre moyen âge. Or, c’était précisément une coutume d’été dans la famille de mon oncle de s’y rendre deux ou trois fois par mois, pour dîner et passer la journée chez le propriétaire : un vieux prêtre, qui habitait là haut un pavillon confortable accroché au flanc des ruines.

Il y avait fête et féerie pour moi, ces jours-là

Tous ensemble, on partait, assez matin pour être sorti de la plaine chaude avant les heures ardentes. Aussitôt arrivé à la base de la montagne, on trouvait la fraîcheur et l’ombre de ce bois qui la couvrait de son beau manteau vert. Sous une voûte de grands chênes, sous une feuillée touffue, on montait, on montait, par des chemins en zigzags, toute la famille à la file et à pied, formant serpent, comme ces pèlerins qui se rendent à des abbayes solitaires sur des cimes, dans les dessins moyen âge de Gustave Doré. Çà et là, entre des fougères, des petites sources suintaient et formaient des ruisseaux sur la terre rougeâtre ; entre les arbres, on commençait à avoir par instants des échappées de vue