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LE ROMAN D’UN ENFANT

tous deux ayant conservé dans leur vieillesse déjà grise les traces d’une remarquable beauté. Ils avaient une vieille maison Louis XIII, à l’angle d’une de ces places régulières entourées de porches comme on en voit dans beaucoup de petites villes du Midi. On entrait d’abord dans un vestibule dallé de pierres un peu roses et orné d’une énorme fontaine de cuivre rouge. Un escalier des mêmes pierres, très large comme un escalier de château, avec une curieuse rampe en fer forgé, menait aux appartements en boiseries anciennes de l’étage supérieur. Et le passé dont ces choses évoquaient le souvenir, je le sentais différent de celui de la Saintonge et de l’île, — le seul avec lequel je me fusse un peu familiarisé jusqu’à ce jour.

Après dîner, nous allâmes nous asseoir tous ensemble au bord de la rivière bruissante, sur une prairie, parmi des centaurées et des marjolaines qu’on devinait dans l’obscurité à leur pénétrante odeur. Il faisait très chaud, très calme, et d’innombrables grillons chantaient. Il me sembla aussi que je n’avais encore vu nuit si limpide, ni tant d’étoiles dans du bleu si profond. La différence en latitude n’était cependant pas bien grande, mais les brises marines, qui attiédissent nos hivers, embrument aussi parfois nos soirées d’été ; donc, ce ciel étoilé