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LE ROMAN D’UN ENFANT

Elle se pencha :

— Ah ! dit-elle, oui ; cette fois, par exemple, je t’accorde ; pas très élevées cependant, mais enfin…

Tout nous amusa, le soir à l’hôtel, dans une ville où il fallut nous arrêter jusqu’au jour suivant, et je me rappelle la nuit splendide qui survint, tandis que nous étions accoudés à notre balcon de louage, regardant s’assombrir les montagnes bleuâtres et écoutant les grillons chanter.

Le lendemain, troisième jour de notre voyage qui se faisait par étapes, nous frétâmes une voiture drôle, pour nous faire conduire dans la petite ville, bien perdue en ce temps-là, où nos cousins habitaient.

Par des défilés, des ravins, des traverses, cinq heures de route, pendant lesquelles tout fut enchantement pour moi. En plus de la nouveauté de ces montagnes, il y avait aussi des changements complets dans toutes choses : le sol, les pierres prenaient une ardente couleur rouge ; au lieu de nos villages, toujours si blancs sous leur couche de chaux neigeuse, et toujours si bas, comme n’osant pas s’élever au milieu de l’immense uniformité des plaines, ici les maisons, rougeâtres autant que les rochers, se dressaient en vieux pignons, en vieilles tourelles, et se perchaient bien haut, sur les sommets des