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LE ROMAN D’UN ENFANT

supprimé maintenant cet Angelus. Donc, c’est fini ; on n’entendra plus jamais, les soirs d’été, cet appel séculaire…

Aller se coucher ensuite était une chose très égayante, surtout avec la perspective du lendemain jeudi qui prédisposait à s’amuser de tout. J’aurais sans doute eu peur, dans les chambres d’amis qui étaient au rez-de-chaussée de la grande maison solitaire ; aussi, jusqu’à ma douzième année m’installait-on en haut, dans l’immense chambre de la mère de Lucette, derrière des paravents qui me faisaient un logis particulier. Dans mon réduit se trouvait une bibliothèque Louis XV, vitrée, remplie de livres de navigation du siècle dernier, de journaux de marine fermés depuis cent ans. Et sur la chaux blanche du mur, il y avait, tous les étés, les mêmes imperceptibles petits papillons, qui entraient dans le jour par les fenêtres ouvertes et qui dormaient là posés, les ailes étendues. Des incidents, qui complétaient la soirée, survenaient toujours au moment où on allait s’endormir : une intempestive chauve-souris qui faisait son entrée, tournoyant comme une folle autour des flambeaux ; ou une énorme phalène bourdonnante qu’il fallait chasser avec un aranteloir. Ou bien encore, quelque orage se déchaînait, tourmentant les arbres voisins qui battaient