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LE ROMAN D’UN ENFANT

absolument jaunes de lichen et qui portaient tous la chevelure inclinée vers la gauche, à cause des vents marins, soufflant constamment de l’ouest dans les grandes prairies vides d’alentour.

Pour les gens qui ont sur le paysage des idées de convention, et auxquels il faut absolument le site de vignette, l’eau courante entre des peupliers et la montagne surmontée du vieux château, pour ces gens-là, il est admis d’avance que cette pauvre route est très laide.

Moi, je la trouve exquise, malgré les lignes unies de son horizon. De droite et de gauche, rien cependant, rien que des plaines d’herbages où des troupeaux de bœufs se promènent. Et en avant, sur toute l’étendue du lointain, quelque chose qui semble murer les prairies, un peu tristement, comme un long rempart : c’est l’arête du plateau pierreux d’en face, au bas duquel la rivière coule ; c’est l’autre rive, plus élevée que celle-ci et d’une nature différente, mais aussi plane, aussi monotone. Et dans cette monotonie réside précisément pour moi le charme très incompris de nos contrées ; sur de grands espaces, souvent la tranquillité de leurs lignes est ininterrompue et profonde.

Dans nos environs, cette vieille roule est du reste celle que j’aime le plus, probablement parce que