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LE ROMAN D’UN ENFANT

tristesse. C’était, en beaucoup plus pénible, une impression dans le genre de celle que me causait le chant de la vieille marchande de gâteaux, quand elle allait se perdre du côté des rues basses et des remparts, les nuits d’hiver. Cela devenait une vraie angoisse, subite, inattendue, — mais fort mal définie. Confusément, je souffrais d’être enfermé, moi, et penché sur des choses arides, bonnes pour des vieillards, quand dehors les petits garçons du peuple, de tous les âges, de toutes les tailles, et les matelots, plus enfants qu’eux, couraient, sautaient, chantaient à plein gosier, ayant sur la figure des masques de deux sous. Je n’avais aucune envie de les suivre, cela va sans dire ; j’en sentais même l’impossibilité avec le dégoût le plus dédaigneux. Et je tenais beaucoup à rester là, ayant à finir de mettre en ordre la famille multicolore des Purpurifères, vingt-troisième des Gastéropodes.

Mais, c’est égal, ils me troublaient bien étrangement, ces gens de la rue !… Et alors, me sentant en détresse, je descendis chercher ma mère, la prier avec instance de monter me tenir compagnie. Étonnée de ma demande (car je ne conviais jamais personne dans ce sanctuaire), étonnée surtout de mon air anxieux, elle me dit d’abord en plaisantant que c’était ridicule de la part d’un garçon de dix ans bientôt