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LE ROMAN D’UN ENFANT

Et là, dans le demi-jour atténué qui tombait sur ce bureau, dans le silence de ce petit recoin haut perché, isolé, rempli déjà d’objets venus des plus extrêmes lointains du monde ou des derniers fins fonds de la mer, quand mon esprit s’était longuement inquiété du changeant mystère des formes animales et de l’infinie diversité des coquilles, — avec quelle émotion je transcrivais sur mon cahier, en face du nom d’un Spirifère ou d’un Térébratule, des mots comme ceux-ci, enchantés et pleins de soleil : « Côte orientale d’Afrique, côte de Guinée, mer des Indes ! »

Dans ce même musée, je me rappelle avoir éprouvé par une après-midi de mars, un des plus singuliers symptômes de ce besoin de réaction qui, plus tard, à certaines périodes de complète détente, devait me pousser vers le bruit, le mouvement, la gaieté simple et brutale des matelots.

C’était le mardi gras. Au beau soleil, j’étais sorti avec mon père, pour voir un peu les mascarades dans les rues ; et puis, rentré de bonne heure, je m’étais tout de suite rendu là-haut, pour m’amuser à mes classifications de coquillages. Mais les cris lointain des masques et le bruit de leurs tambours venaient me poursuivre jusque dans ma retraite de jeune savant et m’y apportaient une insupportable