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LE ROMAN D’UN ENFANT

pas davantage. L’après-midi, quand approchait l’heure de son arrivée, ayant bâclé mes devoirs à la hâte, j’étais toujours posté à ma fenêtre, pour le guetter derrière mes persiennes, avec mon livre de leçons ouvert au passage qu’il fallait apprendre ; dès que je le voyais poindre, à un tournant, tout au bout de la rue là-bas, je commençais à étudier…

Et en général, quand il entrait, je savais assez pour mériter au moins la note « assez bien » qui ne me faisait pas gronder.

J’avais aussi mon professeur d’anglais qui venait tous les matins, — et que j’appelais Aristogiton (je n’ai jamais su pourquoi). D’après la méthode Robertson, il me faisait paraphraser l’histoire du sultan Mahmoud. C’était du reste le seul qui vît clair dans la situation ; sa conviction intime était que je ne faisais rien, rien, moins que rien ; mais il montrait le bon goût de ne pas se plaindre, et je lui en avais une reconnaissance qui devint bientôt affectueuse.

L’été, pendant les très chaudes journées, c’était dans la cour que je faisais mine de travailler ; j’encombrais, de mes cahiers et de mes livres tachés d’encre, une table verte abritée sous un berceau de lierre, de vigne et de chèvrefeuille. Et comme on