Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
LE ROMAN D’UN ENFANT

Lettres d’aïeux huguenots qui, à la révocation de redit de Nantes, avaient quitté leurs terres, leurs amis, leur patrie, tout au monde, pour ne pas abjurer. Ils écrivaient à un vieux grand-père, trop âgé alors pour prendre le chemin de l’exil, et qui avait pu, je ne sais comment, rester ignoré dans un coin de l’île d’Oleron. Ils étaient soumis et respectueux envers lui comme on ne l’est plus de nos jours ; ils lui demandaient conseil ou permission pour tout, — même pour porter certaines perruques dont la mode venait à Amsterdam en ce temps-là. Puis ils contaient leurs affaires, sans un murmure jamais, avec une résignation évangélique ; leurs biens étant confisqués, ils étaient obligés de s’occuper de commerce pour vivre là-bas ; et ils espéraient, disaient-ils, avec l’aide de Dieu, avoir toujours du pain pour leurs enfants.

En plus du respect qu’elles m’inspiraient, ces lettres avaient pour moi le charme des choses très anciennes ; je trouvais si étrange de pénétrer ainsi dans cette activité d’autrefois, dans cette vie intime, déjà vieille de plus d’un siècle et demi.

Et puis, en les lisant, une indignation me venait au cœur contre l’Église romaine, contre la Rome papale, souveraine de ces siècles passés et si clairement désignée, — à mes yeux du moins, — dans