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la force de la mener paître le long des routes, tout en ramassant du bois mort pour le feu des veillées. Puis, la pauvre veuve est devenue en enfance, gardant l’envie de s’en aller comme autrefois sur les chemins, à la grande inquiétude de ses filles qui n’osaient plus perdre le contact de sa robe : « Mon Dieu, disaient-elles, si elle s’égarait, si elle allait choir dans quelque fossé ! Comment ferions-nous pour courir à sa recherche, puisque nous n’avons point d’yeux ? » Aujourd’hui, cette crainte n’est plus, car la mère est alitée, et elle est devenue aveugle à son tour ! Et les deux sœurs redoublent de tendresse, pour celle que jamais elles n’ont vue et qui ne peut plus les voir. Elles redoublent de travail aussi, afin de lui procurer tout ce qui peut adoucir son déclin. Elles s’ingénient à la distraire, elles s’évertuent à la tenir bien propre, et, détail qui me semble