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ce temps-là, qui fut pour elles le temps prospère de la vie, tout reluisait dans la chaumière ; sur les pauvres meubles bien cirés, les moindres objets s’alignaient dans un ordre minutieux. Quand les voisins alors s’ébahissaient de voir les choses si bien rangées, les petites filles naïvement répondaient : « Eh ! si nous n’avions pas soin de remettre nos affaires aux mêmes places, comment les retrouverions-nous après, puisque nous n’y voyons pas ? » La famille ainsi vivait presque heureuse quand, il y a une dizaine d’années, le père mourut, laissant le verger à l’abandon, laissant la mère épuisée de travail et à demi infirme. À ce moment on pensa bien faire, à la mairie du plus prochain village, en offrant de placer la veuve dans un hôpital ; mais l’idée de se séparer de leur vieille mère jeta les deux sœurs aveugles dans un désespoir affreux : « Plus