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apprit son métier de repasseuse. Travaillant toutes deux, elles vécurent d’abord sans trop de misère. Mais bientôt la tante sentit ses yeux s’obscurcir ; quelque temps encore, elle put promener son fer sur des surfaces unies, des nappes, des rideaux, que sa nièce étendait sur une table, — et puis il a fallu y renoncer : elle n’y voyait plus. Et voici aujourd’hui vingt ans qu’elle est aveugle, tendrement soignée par sa nièce, qui a refusé de la laisser partir pour l’hôpital. Elle travaille, elle repasse tant qu’elle peut, la pauvre nièce infirme et bossue, et pourtant sa détresse augmente de jour en jour, car décidément ses yeux l’abandonnent ; alors il y a souvent, comme elle dit, des malfaçons dans son ouvrage, et ses pratiques commencent de la quitter. Mais, se privant de tout, même de nourriture, afin de pouvoir dorloter encore la vieille tante aveugle, elle ne cesse de