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plus réfléchir, une idée héroïque et folle : avec son modeste patrimoine, d’une trentaine de mille francs, il acheta sur le sol français, tout près de la frontière, une ferme où il réunit ses chers protégés. Mais, pour nourrir tout ce petit monde, qui s’était rendu, si confiant, à son appel, il n’avait plus rien ; alors, sans perdre son aisance sereine, il se multiplia, il fit des prières, des prédications, des quêtes… Il y a vingt-deux ans aujourd’hui qu’il a fondé, avec cette irréflexion admirable, un orphelinat de 150 enfants, et jamais ses élèves, sans cesse renouvelés, n’ont manqué du nécessaire. C’est par centaines qu’il a ramassé, dans la boue des grandes villes, de petits abandonnés, de petits vagabonds, pour en faire de paisibles laboureurs, ou bien des missionnaires, beaucoup de braves soldats aussi, ou même de braves officiers de notre armée.