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si intrigué par le minois qu’elle pouvait bien avoir !…

Je fus plutôt déçu, je l’avoue, par cette première présentation de la petite créature à laquelle j’avais tant rêvé d’avance et qui maintenant dormait là sous mes yeux dans son berceau, les poings contre le menton, au milieu de mousselines et de dentelles blanches. Non qu’elle fût vilaine, comme tant de bébés naissants, mais je n’avais encore jamais vu d’enfant d’une heure ; cette trop petite tête, ces joues rayées d’imperceptibles plis comme des rides, me causaient un semblant d’effroi, — et je m’éclipsai dès qu’elle se mit à crier avec une voix de petit chat en carton… À vrai dire aussi, j’étais tout à l’attente de Lucette ; l’idée que ce soir je la reverrais ne laissait place en moi pour rien d’autre…

Au beau crépuscule tout en or, j’allai au-devant d’elle avec ses parents, et, quand on entendit le train arriver en gare, toujours plus enfant que mon âge, je me mis à courir avec