Page:Loti - Prime Jeunesse, 1919.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les cachettes de ma grande maison pour anéantir tant et tant de pauvres reliques, ensevelies dans des tiroirs, des sachets scellés, des coffrets, — reliques de chères mortes qui, après ma disparition, vont être encore plus mortes ?… Aujourd’hui, où pour moi tout va finir, je reconnais combien j’ai eu tort de m’entêter à ces luttes inutiles ; ne rien garder eût tellement mieux valu, brûler, brûler, puisque le dernier mot appartiendra toujours à l’oubli, à la cendre et aux vers !…

Un peu moins déraisonnable est ce moyen, auquel ont eu recours des milliers d’âmes humaines, dans l’angoisse de finir : laisser un journal que des survivants liront peut-être… C’est ce que j’ai fait ici, et je prie ceux qui jetteront les yeux sur ce livre, de l’excuser, comme la tentative désespérée d’un de leurs frères qui va sombrer demain dans l’abîme et voudrait, au moins pour un temps, sauver ses plus chers souvenirs.