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plus belles phosphorescences équatoriales, tellement que les étoiles en étaient pâlies ; une même lueur tristement douce, qui ne se définissait pas, émanait de toutes choses pour se diffuser partout ; on était dans une sorte de buée éclairante, et l’horizon n’avait plus de contours. Rien que tranquillité et silence, on entendait à peine tourner l’hélice, qui faisait l’effet d’amortir son bruit dans de l’huile. Mais, des deux côtés du navire, on voyait passer sous l’eau chaude comme de continuelles fusées de phosphore, — et c’étaient les sillages de gros poissons très rapides, requins ou autres mangeurs de morts, ameutés autour de nous dans l’espoir de quelque proie… Oh ! dans ces mêmes parages, au retour des paquebots ramenant les pauvres anémiés de l’Indo-Chine, qui dira combien on leur en a jeté en pâture, de ces chers morts, sacrifiés par la folie criminelle des politiciens colonisateurs…

Sur la passerelle du grand cuirassé noir, qui glissait cette nuit-là comme un fantôme de