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Ma grand’mère, mes tantes, qui venaient d’être informées, entrèrent à pas silencieux de fantôme, la figure sillonnée par les larmes, mais n’osant pas parler, et s’assirent en cercle funéraire autour de nous. Le dernier, mon père arriva, portant à la main une enveloppe ouverte et accompagné de mon grand-oncle qui avait été chargé de lui apprendre son malheur. Après que ma mère et lui se furent jetés dans les bras l’un de l’autre, c’est lui qui rompit le silence ; il nous dit que mon frère était mort d’anémie tropicale, à bord du paquebot qui nous le ramenait en France ; l’une des lettres contenues dans l’enveloppe déchirée était du prêtre qui l’avait veillé à ses derniers moments, l’autre était l’adieu que mon frère lui-même avait encore eu la force de nous écrire de sa propre main.

Et cet adieu, mon père commença donc de nous le lire :

« Parents chéris, père, mère, frère, sœur, tantes, grand’mère, vous, toutes mes affec-