Page:Loti - Prime Jeunesse, 1919.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveauté de la route, c’est que nous emmenions maman avec nous, ma maman chérie, — qui était la seule personne de notre famille n’ayant jamais quitté notre province aux grands horizons plats et qui rêvait, comme moi naguère, de voir enfin des montagnes.

Je me rappelle à peine l’arrivée là-bas, dans la maison Louis XIII, à la nuit close ; mais je retrouve si bien le lever du jour, dans cette chambrette que j’avais déjà occupée pendant trois ou quatre étés ! Les bruits dont je m’étais longuement déshabitué m’éveillèrent de bon matin, le jacassement des poules et des canards dans la rue, et surtout, pour me donner plus vite la notion précise du lieu, les coups rythmés du métier de Tanou, le tisserand du voisinage, qui travaillait là, comme une sorte d’araignée éternelle, ne cessant jamais d’allonger ses rudes toiles de chanvre. (C’était encore le temps des humbles petits métiers locaux, que le « progrès » a partout remplacés, de nos jours, par l’enfer des usines.)