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Un vieux usage de notre province voulait que l’on brûlât tous les balais en feu de joie le jour du mariage de la fille de la maison. Après le dîner donc, — car en ce temps-là un dîner de noces était obligatoire, — les domestiques allumèrent au fond de la cour ce feu traditionnel, puis se mirent à danser des rondes autour, et naturellement ce fut irrésistible, la petite Jeanne, la petite Marguerite et moi, nous nous échappâmes du salon pour entrer dans la ronde, en chantant nous aussi à tue-tête le bal de Saintonge.

« Ah ! Ah ! à la pêche aux moules… » J’étais follement gai, avec de temps en temps une envie soudaine de pleurer à l’idée que ma sœur s’en irait demain ; je me sentais très tendre aussi, avec une tendance à me jeter au cou de tout le monde, et voici que, sans m’en apercevoir, je changeais les paroles classiques de la danse : « Ah ! Ah ! à la pêche aux moules, Sœur va nous quitter, maman ! Les garçons de Marennes, Sœur va nous quitter ! » À vrai