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aussi, bien entendu, avec ce brave monde, et chanter le vieux refrain qui nous faisait sauter tous en rond : « Ah ! Ah ! à la pêche aux moules, Je ne veux plus y aller, maman, Les garçons de Marennes m’avant pris mon panier, maman ! »

Quand vint le grand jour, ma sœur voulut m’avoir à côté d’elle dans sa voiture, et à côté d’elle aussi au cortège, la tenant par la main. J’étais bien un peu âgé pour figurer ainsi en petit garçon, mais le public nous savait si inséparables l’un de l’autre, que cela parut tout naturel. Frisé ce jour-là avec art, j’avais une veste très ouverte sur un gilet de satin blanc, et des gants « beurre frais », la teinte à la mode. Sur notre passage, je recueillis quelques compliments : « Ah ! il est gentil ! » et j’y fus très sensible, car, à cette époque déjà, mon physique me déplaisait et j’aurais aimé le changer, — ce à quoi je me suis efforcé plus tard avec un enfantillage persistant. Non, je ne me plaisais pas, je n’étais pas du tout « mon type ».