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blanche. La fenêtre était grande ouverte, on entendait les martinets passer et repasser dans le ciel avec leurs cris de joie, et les mille petites cassolettes des jasmins nous envoyaient un fol excès de parfum.

Étant entré le même soir dans la chambre de ma mère, j’avisai sur une chaise un grand carton de modiste que je ne connaissais pas : « Je parie, maman, dis-je, que c’est ton chapeau pour le mariage ? — Tout juste, mon petit ! — Oh ! bonne mère, fais-le-moi voir ! » Ma mère dépensait sans doute très peu d’argent pour sa toilette, cependant son goût était si sûr, que tout ce qu’elle avait, même les choses les plus simples, charmait toujours. Je ne lui avais jamais connu que de jolis chapeaux, mais je restai en extase devant celui-ci qui me parut une merveilleuse trouvaille de couleurs. Il avait, bien entendu, la forme disgracieuse qui sévissait cette année-là, avec une « passe » très haute et un long « bavolet » ; mais il était en crêpe vert, d’un délicieux vert céladon très