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terre, hauts comme de vrais arbres, apportant leur note si nouvelle et si étrange auprès de mon cher petit bassin inchangeable, — j’aurais cru qu’un heureux cataclysme avait déplacé l’axe du monde.

Pour me troubler davantage, des lettres m’arrivaient des colonies, des lettres très longues et détaillées tout comme à un grand garçon. C’était Lucette qui me parlait des forêts vierges de la Guyane ; c’était mon frère, qui me contait des promenades à dos d’éléphant, ou des chasses aux oiseaux merveilleux parmi les végétations folles de l’Indo-Chine…

Je le sentais aussi très préoccupé de mon avenir, ce frère toujours si lointain, mais qui m’aimait tant, et ses idées là-dessus me paraissaient plus pratiques que celles de mon père, parce qu’elles étaient plus modernes.

« Il faut pourtant que je te parle un peu de tes études, m’écrivait-il cet hiver-là[1]. Dis-moi

  1. La lettre, où je lui parlais, à lui le premier, de mes projets de marine, avait dû se croiser avec celle-ci.