Page:Loti - Prime Jeunesse, 1919.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de jadis dans les mers Jaunes avaient de tout temps beaucoup surexcité mon imagination.

Sur la fin de la soirée, nous ne tenions plus en place, la petite Marguerite et moi, pris d’un impérieux besoin de mouvement, de galopade à toutes jambes, de course éperdue n’importe où. Nous n’osions plus, nous trouvant trop grands, nous échapper du salon comme les années précédentes pour faire tapage dans la salle à manger, en poursuites folles autour de la table ronde ; mais tous les soirs, lorsque nos voisins les D… nous quittaient, emmenant la petite fille, et qu’on allait les conduire jusqu’à la porte, oh ! combien l’air froid du dehors était tentant, et aussi la rue, la longue rue droite, toute silencieuse, toute vide, toute noire entre ses modestes maisons fermées, et où personne ne passait ! Alors, chaque fois c’était irrésistible, cette petite Marguerite et moi nous n’étions plus que deux jeunes bêtes captives dont la cage se serait ouverte, nous nous élancions sans but, sans raison, brûlant