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notes traînantes, empreintes des mélancolies nocturnes d’autrefois sur les vastes rades qui ne connaissaient ni paquebots, ni sirènes au son déchirant. « Bon quart, tribord ! » chantait l’un, « Bon quart, babord ! » répondait l’autre, — et les sonorités, que donne à l’atmosphère le voisinage des grandes surfaces d’eau calme, prolongeaient leurs jeunes voix.

Après ce chant des vigies, la parole fut à la mer, dans le silence enfin tout à fait établi, — à la mer souveraine de tout, qui, par cette soirée d’une sérénité rare, ne bruissait qu’en sourdine, comme si elle avait eu d’abord l’intention de se faire oublier. Elle ne rendait qu’une sorte de susurrement d’ensemble, qui montait de toutes parts le long des parois du vaisseau ; elle s’indiquait seulement par les milliers de petits clapotis discrets qui sont comme ses pulsations, les nuits de très beau temps…

Et voici ce que la mer nous disait à voix si basse : « Je suis là tout de même, mes petits enfants ! C’est moi qui vous porte comme au-