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cent pas monotones. On eût dit qu’elle était vide à présent, la si longue batterie, et cependant nous étions tous là, mais comme escamotés au plafond, comme ensevelis dans nos gaines oscillantes en toile à voile, étiquetées chacune d’un large numéro bleu. Dans le demi-silence qui suivit, la cloche du bord se mit à sonner, assez loin là-haut sur le pont supérieur, — et nous fûmes initiés à ces coups doubles alternant avec des coups simples qui, depuis les vieux temps des flottes, indiquent l’heure aux marins d’une façon conventionnelle ; dès qu’elle eut fini de tinter, cette cloche du Borda, deux jolies voix naïves s’élevèrent dans les lointains du grand vaisseau, se répondant l’une à l’autre : les voix des matelots de vigie qui doivent, suivant l’usage immémorial, chanter chaque fois que l’heure sonne, pour prouver à tous qu’ils font bien leur quart, qu’ils ne dorment pas, qu’ils veillent bien : « Bon quart, tribord ! » chantait l’un, « Bon quart, babord ! » répondait l’autre, sur les mêmes