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(Pauvre 96, une épidémie l’emporta l’année suivante ; mais 92[1], aujourd’hui amiral à chevelure grise, est resté pendant toute ma longue carrière un de mes meilleurs amis.) Nous avions tous de seize à dix-sept ans ; eux, les matelots, nos instructeurs et nos grands aînés, devaient en avoir de vingt à vingt-cinq, mais ils étaient encore les plus enfants de la bande, et rien que leur voisinage amusait nos précoces complications, nous retrempait déjà de bienfaisante simplicité. Ils se permettaient de rire un peu, avec nous, de nos gaucheries de novices, mais si discrètement, si gentiment, avec une nuance de retenue à la pensée que nous serions plus tard leurs officiers ; ils avaient d’ailleurs presque tous cet accent breton, avec lequel je faisais connaissance, et qui donnait à leurs moindres paroles une certaine candeur, en même temps qu’une certaine drôlerie.

  1. L’amiral Eugène de Fauque de Jonquières, qui vient de mourir, au moment même où ces notes paraissaient dans la Revue des Deux Mondes.