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batterie où nous allions dormir, nous nous vîmes envahis par une troupe de matelots apportant sur leurs épaules des monceaux de longues choses grises en toile à voile, qui étaient nos hamacs. Ils nous les apportaient parce que c’était la première fois, et qu’il fallait bien nous enseigner la manière de les suspendre et de monter dedans ; mais demain, bien entendu, nous ferions ça nous-mêmes. Toutes ces longues choses grises, ce fut un travail de les débrouiller et de les mettre chacune à sa place ; cela fit pas mal de bruit, tous ces gros anneaux de fer, qui se cognaient et s’accrochaient à autant de crocs de fer plantés dans les poutres énormes ; cependant nous parlions plutôt bas, à cause d’un certain respect inspiré par ce lieu et par les canons proches. Ne sachant pas encore nos noms, nous nous appelions par nos numéros, en nous disant « vous » comme c’est l’usage de l’école : — « C’est vous, n’est-ce pas, 92, qui êtes mon voisin de droite ? » — « Non, je crois que c’est 96. »