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l’École, qui se mit péniblement en route parmi des amarres tendues, des bouées, des entraves de toutes sortes, mais qui bientôt s’échappa de la vallée de granit, — et alors la grande rade magnifique s’ouvrit devant notre route, calme, luisante au soleil doux, et d’un bleu déjà un peu doré par les ors du soir. Sur ce petit bateau qui nous emportait vers notre destinée nouvelle, nous étions un peu plus de quatre-vingts, enfants de mondes souvent très divers, d’aspirations et de goûts souvent contradictoires, qui allions pendant deux laborieuses années nous heurter parfois, ou bien nous affectionner, et nous nous dévisagions les uns les autres interrogativement ; je devais sembler l’un des plus jeunes, avec un reste de naïveté enfantine dans le regard, et cependant j’étais, de tous, je crois bien, celui qui avait déjà le plus vécu par le cœur, par le rêve et par la souffrance…

L’heure avait pour moi quelque chose d’infiniment solennel, et j’ouvrais tout grands mes