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l’emprise de la discipline militaire, et je compris d’un seul coup que je n’étais plus libre, moi qui n’avais même pas connu le petit numérotage des lycées ni leur discipline pour rire : — « Numéro 112, appelaient-ils, venez ici essayer une autre vareuse !… Allons, pressez-vous, numéro 93 ! » Elles étaient rudes à la peau, les chemises qu’ils nous offraient, et, par-dessus de grossiers costumes en laine bleue, ils nous firent endosser des complets de toile à voile plus raides que du carton, qui sentaient le filin neuf comme des néophytes qui viennent de prononcer leurs vœux dans un monastère, nous abandonnions là, en même temps que nos noms, tous nos vêtements, tous nos objets personnels ; je n’avais gardé que ma Bible, avec les quelques dernières lettres de mon frère et de Lucette, que les bons adjudants rébarbatifs me permirent de serrer dans ma chemise rugueuse.

Quand nos toilettes de bataille furent finies, on nous embarqua tous sur la canonnière de