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presser moi-même à des armements de navires, — me parut sévère et un peu terrible, malgré le beau temps qu’il faisait, ce jour-là par hasard, et la douce pâleur du soleil d’octobre.

On nous mena dans une salle à murailles massives, parfumée au goudron maritime, où nous guettaient des adjudants, qui nous donnèrent d’abord des « numéros » pour remplacer nos noms, et puis se mirent à nous costumer en marins. C’était la première fois que je me sentais définitivement seul au milieu d’inconnus, en même temps que c’était mon premier contact avec cette classe de durs serviteurs de la Flotte, — qui depuis ce temps-là s’est gâtée, hélas ! comme toutes choses, au souffle du modernisme, mais qui de nos jours pourtant se compose encore en majeure partie d’hommes merveilleux par leur dévouement, leur endurance, leur loyauté, leur courage et leur cœur. Dans le fond, ils avaient l’air plutôt paternel et bon enfant, sous leur masque de range-à-bord, mais c’est égal, avec eux on subissait déjà