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n’existait pas encore, et ce fut par le petit bateau à vapeur de la rivière de Châteaulin que nous arrivâmes là-bas, le soir du second jour, au crépuscule, pour accoster au pied de la colossale muraille de granit qui soutient au-dessus de la mer l’esplanade du cours Dajot. Dans la rivière encaissée par laquelle nous étions venus, entre des collines tapissées de bruyères violettes ou roses, j’avais déjà remarqué le caractère, tout nouveau pour moi, de cette Bretagne qui devait exercer ensuite un charme croissant sur mon imagination pendant une douzaine de belles années, mais qui plus tard me laissa tellement déçu… Je me rappelle aussi que je fus frappé par l’aspect majestueux et morose de ce quartier de Brest auquel nous abordions ; le silence régnait au pied des hautes maisons mornes et grises ; à cette tombée d’une nuit d’octobre, il faisait triste et humide dans les allées d’ormeaux séculaires du cours Dajot, où languissait sur son socle une vieille nymphe démodée, en marbre blanc rongé par les continuelles