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grosse Bible posait sur sa sainte table. C’était là que ma mère avait eu ses pieuses rêveries de jeune fille, là qu’elle s’était mariée, là que le pasteur actuel avait baptisé ma sœur, là aussi que j’aurais pu faire ma première communion avec le plus de recueillement, surtout avec le moins de crainte, et enfin c’était encore le lieu du monde où je me sentais le plus près du Dieu de mon enfance.

Devant un auditoire où dominaient les hautes coiffes[1], y compris celle de la bonne Augère venue avec son bâton, le pasteur à cheveux blancs nous lut et nous développa des passages de l’incomparable « Sermon sur la montagne », et tout mon petit passé d’enfant mystique s’éveilla soudain pour m’envahir le cœur ; aussitôt je retrouvai, très rayonnants dans mon souvenir, le rendez-vous céleste que mon

  1. Ces coiffes si seyantes ont, hélas ! presque complètement disparu. Les femmes d’Oléron n’hésitent plus à s’enlaidir avec ces pitoyables chapeaux, rebuts des Grands Magasins de Paris, qui apportent jusque dans les villages une note burlesque de mardi-gras.