Page:Loti - Prime Jeunesse, 1919.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Notre antique demeure familiale avait été depuis longtemps vendue, hélas ! et ce n’est plus là que je trouvai mes tantes pauvres, mais dans une plus modeste maison du voisinage. Ma grand’tante Clarisse, quatre-vingts ans, sœur de ma grand’mère et ruinée définitivement comme elle, m’attendait dans l’un de ses toujours mêmes fauteuils Louis XIV en tapisserie, les plus luxueux débris qu’elle possédât encore de l’aisance ancienne ; assise le buste droit, dans une attitude de douairière, ayant ses éternelles coques de satin blanc à son bonnet, que, pour sortir, elle recouvrait d’un cabriolet de satin noir, elle représentait bien elle aussi, comme ma grand’mère, le type de la vieille dame huguenote ; d’effroyables et dramatiques malheurs avaient à jamais durci son visage, mais on voyait encore combien elle avait été jolie ; du reste ses yeux, demeurés noirs comme la nuit, suffisaient à témoigner que jadis les Maures d’Espagne avaient envahi notre île… Près d’elle se tenaient ses deux