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petite ville de Saint-Pierre[1], qui a ceci de particulier et d’isolant, c’est d’être dans une île, mais au milieu des terres, par conséquent sans baigneurs ni touristes, vivant comme jadis de son humble vie régionale, grâce au sel de ses marais et aux raisins de ses vignes ; par cette chaude soirée, elle semblait dormir sous son suaire de chaux blanche, et des fleurs, des œillets, des giroflées formaient plates-bandes, le long de ses rues désuètes, au pied de tous les murs, suivant l’usage de l’île[2].

    tantes : par son ordre, des centaines de mètres de fils conducteurs, qui venaient d’être remis à neuf, ont été enlevés, revendus à la ferraille, et des miroirs de réflecteurs pour tirs de nuit, — objets très coûteux, — ont été enlevés avec une telle précipitation, qu’ils se sont brisés. Donc, aujourd’hui, cette grande porte, hélas ! est ouverte/

    Si je relate ces faits, ce n’est pas pour poursuivre dans son tombeau le pauvre coupable, non, mais pour jeter un cri d’alarme auquel les événements de Turquie et de Syrie viennent de donner une poignante actualité…)

    (Septembre 1919.)

  1. Dans le Roman d’un enfant, j’ai parlé de ce Saint-Pierre, mais pas assez pour la place importante qu’il a occupée dans mes premiers souvenirs.
  2. Depuis une dizaine d’années, pour se donner un air plus ville, Saint-Pierre a renoncé à la coutume charmante des bandes de fleurs le long des murs.