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semés de ces gros tas de sel qui, en automne, simulent des tentes de campements, je m’acheminai vers Saint-Pierre en suivant des petites routes tranquilles, où l’on respirait une brise saline, parfumée par les œillets roses et les immortelles des sables. Je traversai le village de Sauzelle connu dans l’île pour ses sorciers, dont les maisonnettes sont blanchies comme celles des Arabes et où des aloès de pleine terre, grands comme ceux d’Algérie, poussent dans les jardinets. Enfin, j’arrivai à notre vieille

    qu’il n’est pas assez profond pour recevoir nos grands vaisseaux ; à quoi il est facile de répondre qu’avec quelques-uns de ces millions que si volontiers nous gaspillons partout, on l’approfondirait sans peine, — ce que tout autre nation ne manquerait pas de faire, — et qu’en outre il constitue, tel qu’il est, un merveilleux refuge pour les petites unités.

    Mais il y a plus absurde encore. Aucun homme de sens ne contesterait que nos rades de Rochefort sont uniques dans tout le golfe de Gascogne et, après celles de Brest, les plus magnifiques et les plus sûres de France, et qu’il faudrait à tout prix les défendre, parce qu’elles représentent une des plus tentantes entrées de notre pays et furent de tout temps le point de mire de nos rivaux d’Outre-Manche. Or, non seulement le ministre en question n’a pas voulu améliorer leurs défenses, mais, ce qui est un comble, il s’est hâté presque rageusement, pendant son court passage au pouvoir, de saboter les défenses déjà exis-