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durée à l’affection de Lucette pour moi ; mais maintenant, hélas ! je commençais de trop bien savoir qu’elle n’était que l’un quelconque de ces monstrueux et inconcevables bolides de feu, en chute vertigineuse au milieu du désordre, du terrifiant tohu-bohu des mondes !… L’étoile Polaire, plus tard pendant mes nuits de veille sur des navires, je devais plus d’une fois l’interroger, avec nos instruments de précision, pour vérifier ma route à travers l’immensité des eaux… L’étoile Polaire, souvent, au cours de mes longs voyages, je devais la voir tomber peu à peu au-dessous de l’horizon et m’abandonner, tandis que surgiraient du côté opposé la Croix du Sud et les deux grandes nébuleuses australes, souveraines dans le ciel de l’autre hémisphère… Mais ici ce soir, vue de ce berceau de jasmin, dans le calme de ce jardin de la Limoise, elle était tranquillement redevenue pour moi un très petit feu allumé à sa toujours même place, une gentille et fidèle petite lueur de ver luisant : l’étoile de Lucette !…