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dont j’aurais reconnu entre mille les délicieux sons veloutés, chantants comme ceux d’une voix humaine.

Ce fut une des fois où je me sentis le plus intimidé devant ma mère chérie, tant je désirais que ce fût bien ; donc, pour commencer par une chose facile que j’étais sûr de jouer d’une façon impeccable, je mis sur le pupitre un morceau de Mozart, des variations d’une charmante naïveté sur l’air Lison dormait… À ce moment, on entendit, dans la rue accablée de soleil, trottiner une marchande de je ne sais quel laitage, qui s’annonçait comme jadis en jetant des cris plaintifs de hibou : une vieille connaissance encore, cette bonne femme-là, et qui aurait manqué à ma fête d’arrivée si elle avait omis de venir : depuis mes premières années, son cri étrange, à ces mêmes heures, se mêlait toujours aux silences des après-midi d’été, de même que celui de la vieille marchande de gâteaux, aux silences des nuits d’hiver.