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cigales se promenant parmi des feuilles sèches. « Tu sens la Limoise, petit ! » me disait toujours tante Berthe, en flairant mes vêtements quand je revenais d’ici…

Assis sur le banc vermoulu, je regardais les guêpes, les mouches de toutes couleurs qui tournoyaient dans l’air étouffant, et peu à peu je me sentais envahir par le sentiment elmique ; j’aspirais à l’objet vague, ou à l’être qui m’inspirait ce sentiment-là et qui m’appelait au fond des bois, mais dont l’approche me causait pourtant de la frayeur. Je tendis tous les ressorts de mon intelligence pour essayer de comprendre de quoi, ou de qui me venait cet appel mystérieux ; et puis je commençai toujours par grimper sur le mur, pour regarder au dehors, interroger les profondeurs silencieuses de la campagne, et là je sentis que je m’étais déjà rapproché de ce que je cherchais. Le pays que j’avais sous les yeux du haut de ce mur n’était cependant pas nouveau pour moi, mais jamais ses aspects ne m’avaient tant frappé. Les chênes-verts des bois dormaient ; le ciel était d’un bleu violent et profond, et sur les lointains on voyait remuer des réseaux de vapeurs tremblotantes comme il s’en forme au-dessus des brasiers.

Lentement, je descendis de mon mur, mais de