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Lucette qui lisait, et l’envie de courir me prit : j’entr’ouvris donc la porte du jardin qui laissa entrer dans notre pénombre un violent rayon de lumière, et puis je la refermai sur moi et me trouvai dehors au milieu de toute la silencieuse splendeur de ce midi d’été. Je baissai mon chapeau de paille sur mes yeux et, malgré la chaleur de fournaise, je m’engageai dans une allée bordée de hautes lavandes pour aller m’asseoir là-bas sous un très petit berceau de treille que nous affectionnions, Lucette et moi, d’une façon particulière. Il s’adossait au mur d’enceinte, un peu croulant et hanté en cet endroit par une peuplade de lézards d’un gris roux ; bien des années avant notre naissance sans doute, il avait été construit avec des bois maintenant tout jaunis de lichen ; auprès fleurissaient en juin des vieux lys de France, et le reste de l’été ces délicieuses roses-de-tous-les-mois, aujourd’hui démodées.

C’est surtout aux environs de midi que l’on respire dans ce jardin le parfum aromatique, qui est l’odeur de la Limoise et qui ne peut avoir d’autre nom ; on y devine mieux qu’à toute autre heure les solitudes pastorales qui l’entourent et, au silence qui y règne, se mêlent des petits bruissements de sauterelles agitant leurs élytres ou de