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pagnerait au temple ; j’étais seul, complètement seul pour cette solennité où tous les autres enfants sont toujours si entourés, même par les parents les plus incrédules. Toute la matinée, enfermé dans ma triste chambre, j’essayai vainement de me recueillir et de prier ; je relus mon évangile selon Saint Jean, celui des quatre que je préférais, je relus la copie qui ne me quittait jamais de la lettre de rendez-vous céleste écrite par mon frère au moment de sa mort dans le golfe de Bengale. Mais non, mon cœur restait glacé.

À l’heure de m’habiller pour aller au temple, je crus devoir mettre ce que j’avais de mieux, un élégant costume de printemps que mes cousins venaient de me faire faire : veston court en velours noir, et pantalon collant ; avec cela, col Shakespeare rabattu à longues pointes et gants couleur « sang de bœuf ». Mais quand mon image me fut renvoyée par mon odieuse armoire à glace, — dont l’acajou me faisait toujours l’effet d’avoir été ainsi éraillé et bossué