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La Limoise !… Ce nom seul réveille en moi tout un monde d’idées. Ce sont des bois de chênes antiques, une végétation à part qui semble faite pour l’ardeur des midis d’été. C’est le pays des marjolaines, du lichen et du serpolet, des lézards du soleil et des cigales. Pays un peu fantastique la nuit, où beaucoup de hiboux chantent, où les chauves-souris et les phalènes vous poursuivent jusque dans la vieille maison, pour tournoyer autour de la flamme des chandelles, ou bien pour coller leurs ailes sur les murs blancs.

Pays où la lune se lève rouge et énorme pour commencer sa mystérieuse promenade au-dessus de la cime des bois et de la plaine de bruyères, pays où d’effrayants orages grondent la nuit où dans les soirées radieuses les étoiles, surtout la Polaire que regardait toujours ma bien-aimée sœur Lucette, s’allument plus brillantes qu’ailleurs, au bruit persistant d’une innombrable peuplade de grillons. La Limoise, terre très saintongeaise, très pastorale, presque druidique, qui devait être telle il y a deux mille ans.

La Limoise, elle a même son parfum particulier, parfum d’aromates que l’on y respire partout. La Limoise !…