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plupart et tous névrosés, en mal d’impuissance et d’obscurité !…

Le seul que j’écoutais avec une certaine attention était un jeune homme pâli qui se composait une tête fatale ; il était aussi un neveu de la maison, du côté de la tante aux belles boucles blondes ; il s’appelait Léon Dierx et devint par la suite le « prince des poètes ».

Dès le premier soir, je fus prié de me mettre au piano et je leur jouai un menuet difficile, assez peu connu. Le piano était excellent, avec des sons qui se prolongeaient comme ceux d’une voix, et je sentis tout de suite que l’on m’écoutait, de sorte que je jouai bien ; — alors ce fut du délire, d’autant plus que l’on me savait neveu du bon chocolat tout chaud et des bonnes sandwichs impatiemment attendues ; les poètes, avec ces longs cheveux qui étaient encore à cette époque le symptôme extérieur de leur genre de maladie, s’approchèrent en affectant des mines extasiées : —