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thiques ; ils se faisaient des escroqueries entre eux et, au cours de leurs querelles, se jetaient à la figure des abominations que, dans les temps, leurs parents auraient commises. Je vivais donc très seul, n’admettant qu’un pauvre petit Turc, mystique et doux, mais qui mourut d’une pneumonie, aux premiers froids de novembre. Dans ma chambre hostile, assis à ma table devant ma fenêtre, aux crépuscules brumeux d’automne, je me laissais souvent hypnotiser par cette peuplade de tuyaux de poêle, à la fois lugubre et comique, surtout si nouvelle pour moi qui n’en avais jamais tant vu. Ils commençaient de lancer leurs premières fumées de la saison ; ils avaient tous comme des petites têtes, des petits bonnets, des petits chapeaux ornés d’espèces d’oreilles pour les faire tourner ; au moindre vent, ils s’agitaient avec des mouvements de Guignol, en jetant parfois de vagues cris grinçants que j’entendais à travers mes vitres. À mesure que la nuit tombait, ils prenaient à mes yeux une demi-vie fantas-