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et au milieu desquelles les moindres détails des choses se dessinent encore avec un relief inaltéré. Ainsi mon retour à Fontbruant ce jour-là, je le retrouve comme si c’était d’hier.

Parti de Rochefort le matin, j’arrivai là-bas à l’heure chaude et morne de midi ; j’ouvris doucement le grand portail vert de la maison et j’entrai sans bruit. Personne dans le jardin, une torpeur méridienne, un silence d’été au milieu duquel une petite voix infiniment douce chantait en sourdine, et comme en sommeil… Je ne sais rien au monde de mélancolique autant qu’un chant frêle, sur des notes hautes, s’élevant isolé dans le silence d’un midi que le soleil accable. Cette mélancolie sans nom, qui si mystérieusement nous pénètre, m’avait déjà été plusieurs fois révélée par le cri des sauterelles de la Limoise ; elle est la même que devaient me redonner plus tard les vocalises des muezzins au-dessus des villes blanches de l’Islam, aux heures où les maisons ne jettent plus d’ombre sur la terre ; la même aussi que