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portraits de famille ne seraient pas décrochés, que je conserverais là mes deux pianos et que plus tard peut-être, en des temps moins sombres, nos soirées du dimanche pourraient retrouver leur douce gaieté d’autrefois dans le même cadre tant aimé.

Vers la fin de septembre, je fus mandé à Rochefort : nos locataires de malheur, — un capitaine de frégate et sa femme — venaient d’entrer plus tôt qu’on ne pensait ; ils avaient cependant respecté ma chambre d’enfant, pour me permettre de la déménager moi-même à ma guise, mais il fallait me hâter.

Quand j’arrivai chez nous le lendemain soir, c’était l’heure du dîner et, pour la première fois, je vis notre couvert mis là-bas, au fond de la cour, dans l’ancien bureau de mon père dont il avait fallu, depuis nos réductions, faire notre salle à manger. Il ne me parut pas triste en lui-même, ce couvert des dépossédés que nous étions, mais tout de suite mes yeux se portèrent avec effroi sur une de ces grandes