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blient jamais plus ; ainsi le ravin où s’accomplit mon initiation, ses fougères, ses mousses, le mystère de ses grottes, même jusqu’à ses frêles libellules au corps étincelant, ont gardé, pour le reste de ma vie, une nostalgique attirance…

Libellules très fines, les unes en métal bleu avec des ailes de deuil en velours noir, les autres en métal vert avec des ailes en gaze d’or et des yeux en rubis, depuis combien de centaines de millénaires leurs merveilleuses petites parures se propagent-elles ici, inchangeables ? Elles étaient présentes aux premiers temps de notre période géologique ; elles ont connu notre ancêtre des cavernes, elles ont vu commencer, sous ces rochers, les imperceptibles suintements calcaires qui mettent un siècle à donner un millimètre d’épaisseur et qui forment aujourd’hui des voûtes aux énormes piliers gris ; elles sont presque indestructibles, ces petites créatures des étés, qui, au-dessus de notre union d’un jour, sont venues