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quoi de nouveau et d’inconnu qui me manquait plus que jamais et dont le besoin inassouvi me causait une vraie souffrance…

Deux heures environ pour remonter les eaux tièdes et jaunes de la rivière, en compagnie de pauvres gens de la campagne ; près de deux heures encore pour cheminer à pied par les champs et les bois, et j’arrivai à Fontbruant, où la joie de retrouver ma sœur chassa tout d’abord cette sorte de détresse mystérieuse. Je ne me doutais pas du reste que la fin de cette journée me réservait une apparition délicieusement troublante et révélatrice, dont le vague pressentiment peut-être me possédait depuis la veille.

Le soleil des beaux soirs d’été commençait de décliner ; sur un banc à l’ombre des tilleuls de la terrasse, je venais de m’asseoir en compagnie de deux ou trois amis de mon beau-frère, et ils causaient entre hommes d’une certaine belle gitane, farouche et inabordable, dont la petite tribu était depuis deux jours