Page:Loti - Prime Jeunesse, 1919.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout le monde à peu près m’était indifférent ou inconnu.

Chez mon vieil oncle, même impression, décourageante de vivre ; dans son jardin, son vieux perroquet gris à queue rouge somnolait de chaleur, d’un air caduc, sur un perchoir. Dans son cabinet, où je le trouvai lui-même s’amusant à classer ses coquilles, les objets exotiques accrochés aux murs paraissaient plus que jamais poussiéreux et morts. « Alors, te voilà admissible, Mistigri ! » me dit-il, d’un ton plus indifférent que de coutume. (Mistigri ou Mistenflûte étaient les noms d’amitié qu’il me donnait d’ordinaire.) C’est avec détachement que je revoyais ces bibelots « des colonies » qui me captivaient autrefois ; puisque je me sentais déjà un peu de la Marine à présent, je savais que l’avenir me réservait de connaître toutes ces choses dans leur pays même, où au moins elles seraient fraîches et vivantes. Et surtout je songeais que plus tard, comme le vieil oncle, je reviendrais finir ma vie à Roche-