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posant seulement comme condition d’aller dans la matinée faire mes adieux chez le bon vieux grand-oncle médecin, collectionneur d’histoire naturelle.

Dans l’existence, surviennent des heures, des détails qui sembleraient n’avoir qu’une valeur de dernier ordre et qui se gravent minutieusement dans la mémoire, tandis que d’autres, mille fois plus importants, n’y laissent aucune trace. Ainsi je me rappelle, comme si c’était d’hier, ma sortie de la maison, vers onze heures du matin, pour aller faire cette visite d’adieu. On était aux derniers jours de juillet, il y avait grande splendeur de soleil et il faisait une chaleur coloniale. Dans les rues, presque personne, et les rares passants longeaient les murs pour profiter de quelques étroites bandes d’ombre. Ce matin-là, combien ma ville natale était morne et déserte ! Je ne percevais que la tristesse et la désuétude de ce petit groupement humain, dont je faisais partie par le hasard de ma naissance, mais où