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ses armoires, elle retrouverait toutes ses petites affaires, devenues pour moi des reliques. Il ne m’arrive d’encombrer cet humble sanctuaire que momentanément, de loin en loin, au retour de mes grands voyages, pour y déposer, en attendant, les objets précieux et fragiles que j’ai rapportés et qui me semblent plus en sûreté qu’ailleurs dans cette chambre toujours close ; c’est un peu comme au temps où j’étalais là mes jouets et mes décors, en disant : je te confie tout ça, bonne tante… Puisque j’ai commencé d’empiéter ici sur l’avenir, je vais conter le plus singulier de tous les envahissements de la vieille immuable chambre par d’exotiques bibelots. L’époque des concours de l’École Navale était depuis des années perdue au fond de l’abîme des temps et un autre siècle venait même de commencer ; je rentrais de l’expédition de Chine où une chance très rare m’avait fait habiter dans un logis intime de l’Impératrice, et, en arrivant chez moi, j’avais jeté sur le lit de tante Claire des robes, des brocarts